samedi, janvier 28, 2006

Pourquoi pas

Je suis à fleur de peau, tu l’as dit ; ça me change. Mais encore écorchée vive en dessous.
Est-ce que je m’imagine mériter quelque châtiment pour rester ainsi toujours en suspend, jamais tranquille, jamais en paix avec seulement de cette étrange rencontre le meilleur, le doux, le tendre, le touchant.
Je ne peux me résoudre à me laisser simplement porter ; ce n’est pas encore tout à fait guéri : l’amour par dessus tout qu’on vous arrache, à l’enfance, d’un coup de dents. Alors, derrière, la confiance...

Celui qui donne reprendra, voilà ce que j’en sais jusqu’à présent, voilà ce qui est inscrit en moi.

Mon élan vers toi, spontané, impérieux, tant que tu n’y réagis pas. Cette fébrilité, ce tremblement, là, entre les deux épaules, dans l’espace où l’instant suivant entre à chaque souffle. Et cet élan est dense et compact, comme un air saturé de chaleur, là, entre mes deux épaules.

J’en viens à espérer reprendre mon souffle, reprendre... encore, retrouver la clarté et la légèreté d’une brise sur la mer, quelque chose qui emporte loin de moi toute la lourdeur que je suis : le passé les larmes, les dégoûts, loin de moi.

Juste simplement me laisser remplir par ta découverte, me laisser capturer par le charme d’une voix, l’éclat d’un rire, la tendresse d’un prénom dans son murmure, me laisser parcourir par la vague avant qu’elle se retire.
Avant que tu reprennes tout.

Quelle importance auront eu mes doutes si l’impossible survient, si demain dit NON, comme aujourd’hui je dis POURQUOI PAS.
Quelle importance, mes doutes... devant ce que j’aurai appris ?
Devant le spectacle silencieux de la mer, sous le battement de la pluie et l’abri providentiel qui nous accueillera, derrière les sourires et les demi-mots, pourquoi pas ? Dans l’émotion d’un simple regard, face à face, de toi à moi. Quelle importance mes doutes, si tout cela passe et laisse son empreinte, si le frisson persiste, même seulement le temps de se savoir vivantes. Autrement que par la douleur, autrement que par l’angoisse ou la nostalgie.
Autre chose, pour une fois.

Et si ce n’est qu’une simple histoire l’écrire.

Avant que tu ne reprennes tout, avant le dernier éclat de rire, m’attacher à te connaître, toi qui sais déjà ce que je suis.
Pour me faire plaisir, pour me faire du bien, pour faire la nique à tous mes faux-pas, la peau à tous mes mauvais souvenirs.

Le temps de te connaître, pourquoi pas...

Et voilà qu’aujourd’hui tu m’envoies ... l’espoir d’être enfin un jour en ta présence.
Et voilà qu’aujourd’hui tu donnes ... un écho à mon élan vers toi.
La crainte de la fin, sourdement veut me tirer en arrière, ton appel me pousse vers l’avant, je ne pourrai balancer comme ça pour toujours, il me faudra un jour bientôt faire un pas.
L’irrépressible est en marche.

Le temps de te connaître ...

lundi, janvier 16, 2006

On n'est pas tant de choses...

« trop de manque de confiance en moi pour oser le regard de l’autre sur cette impudeur »
On redescend sur terre et on respire un grand coup. On n’est pas tant de choses. Et quitte à parler mises à nu, parlons en vraiment, allez ! au premier degré pour une fois, ça va nous faire du bien.

Au camp naturiste des Salins de Giraud, soleil + Camargue = moustiques. On plante la tente un peu où on peut ; juste à côté, dans la vieille caravane, il y a Sébastien et son berger allemand.
Il est là depuis le début de l’été, doré comme un caramel, il est sympathique et souriant, toujours prêt à rendre service, nous faisons connaissance. Il raconte qu’il s’est trouvé un bon plan, il rend service à des amis et garde la caravane pour eux les trois mois de l’été, c’est bien, ça lui fait des vacances, sinon, il pourrait pas s’en payer. Il est content, il verra bien ce qu’il fera après, avec son RMI.
Je suis venue là avec ma copine du moment, il me dit que lui il s’en fout, qu’on fait bien ce qu’on veut. Il m’avoue même que lui aussi il aime bien ça : les filles. On parle, on parle beaucoup, il n’y a que ça à faire et se dorer au soleil et patauger dans la Méditerranée.
Alors, les filles on en parle beaucoup, autour de nous il y a des couples, des couples de mecs, des couples de filles, des familles avec enfants, des jeunes, des vieux, des chiens qui s’ébrouent sur ta serviette, la plage quoi !
Sébastien a repéré la fille qui vient d’arriver seule et qui installe tant bien que mal sa tente non loin de la nôtre. Elle lui plait, il me demande ce qu’il doit faire, je lui réponds « à ta place, je ...» je lui dis « tente ta chance, qu’est-ce que t’as à perdre ? » Il est timide ce grand gaillard-là, il est touchant, il m’attendrit.
Sébastien a hésité trop longtemps et la copine de la fille arrive dans une deuxième voiture, retrouvailles, baiser furtif. Le montage de tente passe à la vitesse supérieure.
Sébastien hausse les épaules et dit que c’est toujours comme ça, qu’il n’a pas de chance. Je le console tant bien que mal, c’est l’heure de l’apéro, une demi-heure plus tard, les pastis aidant, on se raconte des tas d’histoires qui nous font rire.
Le jour passe, le soir descend, ça se rafraîchit.
Dans le camp naturiste, comme partout ailleurs on enfile un T-shirt parce qu’après la brûlure du soleil ça fait un choc. On met un T-shirt pour prendre soin de soi, sauf que nous, on reste cul nu, rien à cacher.

vendredi, janvier 13, 2006

photophore

Est-ce que je t’aime toujours ou est-ce que j’ai seulement peur d’un avenir qu’il faudrait construire à nouveau de toute pièce, sur un sol mouvant ?


Les images les plus inattendues me reviennent par bouffées.

Dans ta cuisine, toi et moi de chaque côté de la table, face à face, à discourir, des sourires plein les yeux, et au milieu d’une phrase banale tu déclares « bon ! il faut qu’on fasse l’amour sinon ça va pas aller... » - ta charmante, ta merveilleuse poésie, mon amour.

Le photophore, en forme de soleil orange, ses larges rayons noirs dessinant des seins d’ombre au plafond, sur les murs de ta chambre. Nos rires. Ta place comme aucune autre au creux de mon épaule, ta main simplement posée là, sur mon ventre, tes pieds crochetant mes chevilles et cette sensation persistante qu’en ces moments suspendus rien n’existe de meilleur.
Que tout est consolé, toute peur, toute angoisse bannies du lieu. Que la nuit n’apporte toujours que paix, repos, complétude ; déjà en ces soirs tendres et complices, l’élan, l’appétit pour un nouveau jour. Demain qui commence au crépuscule de la veille. La porte du jour qui se referme sur les devoirs, les tracas, les contraintes et laisse nos corps s’adonner l’un à l’autre, comme s’il n’y avait rien de plus évident, rien de plus longtemps attendu.
Et l’amour qui nous vient sans plus penser à grand chose.
Tu es si fragile, je suis si perdue au matin de notre histoire d’amour.

Ta voix dans l’écouteur qui dit « pourquoi t’es pas là ? » me fait hurler contre le temps et l’espace, loin et demain, mes ennemis mortels.
Et la subtile torture de l’absence qui ranime tous feux en moi, toute brindille, tout nerf, toute terminaison sous ma peau ; l’enclos de mon corps où mon désir de toi est circonscrit.

Hier, pas si loin de nous, et pourtant.
Je te regarde apparaître sur l’écran, qui es-tu ? je te reconnais, et pourtant je ne te connais pas. Tu m’as abandonné chacun de tes jours depuis toutes ces années, mais tu ne m’as rien dit de tes secrets, nous étions si près l’une de l’autre, si intimement mélangées. Nous avons vécu comme si nous n’étions qu’une conscience bicéphale et que tout choix de l’une soit forcément le choix de l’autre. L’évidence comme philosophie a englouti nos regards émerveillés d’hier. Je ne vois plus chez toi que ce qui est prévisible, tu ne vois plus chez moi que ce qui est inévitable.

J’ai tiré la porte du bureau derrière moi, vissé mon borsalino sur mon crâne, campé mes mains dans les poches de mon manteau. Dans la vitrine de la Librairie du Tramway j’avise un livre sur l’Art Brut, ce sculpteur qui a exposé au Parc de la Tête d’or, je pense à te l’offrir pour te consoler de ne pas être allées le voir. Te faire cette surprise, et puis je me souviens brutalement que nous sommes séparées depuis quelques jours.
Je m’engouffre dans le métro, je rentre chez moi.

Saint Emilion

Je t’ai trouvée sur une île à l’autre bout du monde, j’avais sûrement la tête à l’envers déjà, quelque part entre l’équateur et le tropique, tu étais cette femme menue, charmante dont on fait rapidement une amie ; tu étais dépourvue toi aussi de cet instinct grégaire qui pousse la plupart à se déplacer en troupeaux dans un lieu étranger. Tu préférais travailler tard et t’isoler pour affronter seule ton mal du pays, ou parfois me faire la grâce d’une discussion à bâton rompu dans les salons de l’hôtel, au bord de la piscine ou dans ma chambre au sixième. Quelques fois, en journée, pour me rafraîchir de cette touffeur permanente, je quittais l’atelier et je venais prendre un peur d’air frais dans le local où tu avais aménagé l’atelier de dessin. Je regardais tes mains traçant avec assurance un motif à l’encre de Chine ou révélant le relief d’une porcelaine de ton légendaire crayon bleu. J’étais fascinée par tes mains, émue par l’application avec laquelle tu travaillais à donner vie à ces quelques objets inertes.

Grâce à toi, pendant ces soixante jours, je peux affirmer que je n’ai jamais été seule, même si solitaire de nature, j’ai toujours trouvé auprès de toi, un regard, une écoute, un rire partagé. Vers la fin de mon séjour, lorsqu’il nous a été donné d’échapper un peu à la mangrove et de passer deux journées entières en pleine mer, c’est avec toi que j’ai fait ce court voyage. Avec toi que j’ai assisté à la splendeur du soleil enflammant la Mer de Chine. Tu étais la plus petite femme de l’équipe et le staff tout entier avait pour toi des égards touchants. Tu dessinais sur le pont de la barge et moi, pendant ce temps je répondais aux questions intriguées d’un matelot sri-lankais qui m’a fait des yeux tous ronds quand il a compris que non, à 34 ans je n’étais pas mariée, et non plus je ne vivais pas pour autant chez mes parents, que j’assumais ma propre vie et ne demandais rien à personne. Il a changé de sujet et entrepris de me montrer sa technique de pêche au thon.

Vers la fin de Juillet, j’ai repris l’avion pour Singapour, puis Paris. Tu es restée pour quelques jours encore. J’ai pensé ne plus jamais te revoir, à cause de ma vie, comme elle était. J’avais pris ces moments comme un simple cadeau de la vie sans plus d’exigences.

C’est un an plus tard, en passant par le Sud que tu t’es rappelée à mon bon souvenir, j’étais éberluée d’avoir compté un tant soit peu, ma copine de l’époque elle était stupidement jalouse, et soupçonneuse, elle a un peu gâché mon plaisir, mais le contact était repris, tu as été plus futée que moi dans cette histoire.

Au printemps de l’année suivante, j’ai eu ce besoin irrépressible de faire la lumière sur le désastre de mon enfance, de parler de dire, de savoir si j’avais été la seule dont la vie avait été meurtrie, presque détruite. J’ai repris la route du nord, voir ma soeur, ma soeur unique, ma soeur louve. En chemin j’avais tellement besoin de réconfort, j’ai programmé en secret de passer une soirée chez toi, nous avons parlé, rit, tu m’as donné la chaleur de ton foyer, le rire de tes enfants, ton amitié une fois encore. J’ai repris la route, faire ce que j’avais à faire. Au retour, j’avais cette envie de te voir, mais une timidité soudaine de ne pas bousculer, déranger la vie de ta petite famille. Je me suis arrêtée sur une aire d’autoroute à quelques kilomètres à peine de toi, et je t’ai appelée, pour te dire l’immense merci que j’avais au fond de la gorge, et que c’était fait, que j’avais libéré ma parole.

Ma vie sentimentale s’est poursuivie jusqu’à son désastre, jusqu’à son trop-plein, j’ai cherché une autre voie, un autre job, j’ai mis toutes mes affaires dans ma voiture et je suis partie vivre ailleurs, dans une caravane en Ardèche. Je t’ai envoyé une carte, lapidaire, pour dire que j’avais tout changé, et que j’avais renoué avec la liberté. Je n’ai pas donné d’adresse. Comment tu t’es débrouillée pour retrouver ma trace reste un mystère, j’ai miraculeusement reçu de toi une lettre. Ma vie a basculé à cet endroit précis.

A partir de là, j’ai commencé a sentir en moi cette envie de tes yeux pers, de ta voix rauque, de tes mains qui dansent, de ton sourire. La vie a fait le reste. Il fallait que l’on se rencontre, il le fallait, nous le savions toi et moi. D’épisodes en péripéties, tu es venue me voir dans le studio où j’avais emménagé avant l’hiver, un lit chiné je ne sais plus où, des caisses en bois, une étagère en pin, des tréteaux, un planche, tout mon univers. Je me souviens d’avoir préparé ta venue avec fébrilité, mis mes économies de l’époque dans l’acquisition de draps neufs, d’oreillers et d’un couette moelleuse. Je préparais un nid, je préparais vraiment notre nid. Tu pouvais m’envoyer sur les roses, me tenir gentiment à distance. Je préparais notre nid. Un montagne Saint-Emilion pour élixir.

J’ai eu peur pendant tout le temps de ton voyage, toutes les peurs, peurs que tu ne viennes pas, peur qu’il t’arrive quelque chose sur la route, peur qu’on me prive de toi. Le pied de grue sur le parking et enfin tu es là. Je suis terriblement émue, parce que je suis terriblement amoureuse. Je crois que tu le sais. Le temps d’un apéritif et d’un repas frugal, le temps de conversations graves et de confidences, le temps de s’abandonner à cet instant complice. Tu m’écoutes et tu m’entends, je suis tellement avec toi, ce soir là. Un déclic, une chance, je contourne la caisse en bois qui nous servait de table, je veux te donner un baiser amical pour toute la tendresse que tu déverses sur moi, tu poses ta main sur ma joue et tu prends mes lèvres. Mon coeur n’est pas assez grand pour me contenir, ni mon cerveau pour comprendre. Tu m’expliques le reste au creux du lit que j’avais si amoureusement préparé. Je passe une nuit, un jour, une nuit encore hallucinée. Ton départ me torture, il me reste le reste du temps pour comprendre, pour croire, pour douter, pour me persuader que tu vas vouloir faire marche arrière, parce que ce n’est tellement pas ta vie jusque là, le temps de préparer des excuses peut-être, de se retirer en beauté, avec dignité. Mais ta voix m’interpelle chaque soir au téléphone, ta voix qui me dit « pourquoi t’es pas là ? ». Je succombe, je t’aime, j’ai peur de te perdre.

jeudi, janvier 12, 2006

Shônagon

Les choses dont j’aurais envie :

Flatter l’encolure d’un grand cheval et taquiner son museau
Pousser doucement son épaule et glisser mes doigts le long de sa jambe pour qu’il me donne son sabot à curer
Laisser la poignée de l’étrille mordre le dos de ma main, soulever la poussière de sa robe
Passer mes doigts dans les longs fils rêches de sa crinière
Me laisser envahir par l’ odeur puissante de laurier de la graisse à pieds
Glisser mes mollets dans de longues bottes cavalières
Retrouver les couleurs fauves de la sellerie, faire les cuirs au savon gras
Entendre les cliquetis des mors et des gourmettes en accrochant les filets
Jeter un tapis par dessus son garrot, glisser la selle sur son échine, passer mes doigts entre sa peau et le cuir
M’accroupir sous son ventre rond pour attraper la sous-ventrière, décrocher les étrivières
Empoigner rennes et pommeau, m’agripper au troussequin, pousser sur l’étrier, monter en selle
Changer mon point de vue sur le monde

l'illusion du dialogue

Ce qui m’a terrorisée depuis le début de notre histoire me poursuit toujours. J’habitais encore l’Ardèche, j’étais éperdument amoureuse et totalement désorientée ; ce qui m’effrayait le plus c’est qu’alors que je tentais péniblement de me reconstruire tu as fait surgir cet ultimatum « loin des yeux, loin du coeur». J’ai tout de suite eu le sentiment que je risquais de te perdre, alors même que je n’avais pas encore eu le temps de vraiment te connaître.
Je me souviens de toutes mes peurs, et de ton côté, tu donnais l’impression d’être déterminée.
Aujourd’hui, encore, je ne sais pas à quoi il faut rapporter l’intensité des moments que nous avons connus. Peut-être seulement l’urgence du désir et l’angoisse d’une solitude, mêlées. En même temps que compter pour quelqu’un, le sentiment amoureux, et toutes choses bonnes à vivre.

Tu me reproches maintenant d’être trop cérébrale, tu ne comprends pas mon irrépressible envie de tout comprendre. Tu dois penser que je manque de spontanéité. Mais la spontanéité n’est pas dans la parole, comment on exprime ses émotions, mais dans notre capacité à en avoir.
Toutes nos émotions, tous nos sentiments ne sauraient pas nous mener au bonheur, à l’épanouissement. je le dis pour le savoir. Je me méfie des impulsions nues qui nous entraînent sur des chemins que nous ne savons pas comprendre. Pour m’être trouvée la victime de certains qui se sont abandonnés à leurs impulsions à mes dépends, je suis bien placée pour en parler .
Il est probable qu’en choisissant cette voie je m’aliène une part de bonheur, mais nous ne vivons pas seuls ; nous ne vivons pas pour nous-même. Ça m’est pénible que tu puisses penser que je suis égoïste. Je le serais si je n’avais eu que mon petit devenir en tête, mais mon univers est plus peuplé qu’il n’y paraît. A vivre au milieu de vous je n’ai pas vécu pour moi seule. Dans notre quotidien j’ai sans arrêt inclus l’existence de chacun dans ma manière d’appréhender chaque jour. J’ai sans doute manqué de détachement. Tout se serait probablement mieux passé si j’avais été capable d’indifférence.

Mais je suis et je reste une écorchée vive ; et si ma perception du monde me fait souffrir en premier lieu, je continue et veux continuer à croire qu’elle est ma plus grande richesse. Je veux bien qu’on me prête tous les défauts de la terre, je suis probablement passée successivement par chacun d’eux, tant que je reste capable de déceler ce qui va mal chez l’autre avant même qu’il n’en ait pris conscience.
Voir, savoir et agir.
Je ne peux pas me concevoir dans une existence où l’on s’accommode des constats, « on a raté ceci, tant pis » est pour moi la marque de l’échec absolu. C’est être là à temps qui est la seule valeur. On ne peut pas se contenter de simplement vouloir vivre.

J’avais peur hier, et j’ai peur aujourd’hui encore. Peur de ne pas être capable de mesurer ce que l’autre traverse lui-même.
Nos choix, nos attitudes ne sont pas des poses, mais le résultat de l’enchevêtrement de circonstances, de capacités ou de faiblesses. Et toutes peuvent être expliquées et comprises. C’est à ça que sert le dialogue, le dialogue n’est pas la musique, l’environnement sonore d’un couple. Le dialogue c’est le lieu où l’on peut s’apprendre l’une l’autre, et soi-même par la même occasion. On devrait pouvoir se construire, ou au moins se consolider à travers cet échange.

Est-ce que c’est le faux sentiment de l’évidence qui a tué le dialogue entre nous ? ou une envie si pressante d’être comprise immédiatement, devinée, qui nous a laissé nous persuader que ce dialogue existait ?

lundi, janvier 09, 2006

la maison de nos ennemis

Cinq heures du matin
Il y a des siècles que je n’ai pas dit je t’aime,
Ça ne me ressemble pas
Je vais finir par tout expliquer sans rien dire
Perdre l’envie de la parole
Je ne veux pas perdre l’envie d’écrire

Se séparer, c’est le pire qui puisse nous arriver. Tu te mettras à m’appeler souvent, toi qui d’ordinaire ne m’appelle jamais. J’aurai l’impression d’être passée subitement au rayon des urgences, alors que j’étais classée aux affaires en instance ; tout deviendra écoute, compréhension, empathie – mimiques.
Les sacs de voyage voyageront, quelques précieuses affaires triées sur le volet : on en vient vite à l’essentiel, l’indispensable. on se retrouve avec dans les mains seulement ce qu’il faut pour partir. Recherche de détachement et de dépouillement, c’est mon côté mystique ; le but étant d’arriver à la fin d’une vie sans regrets ni remords.

Je t’ai demandé si tu avais une vie rêvée et tu m’as répondu que ton seul rêve était d’avoir plusieurs vies. Une vie uniquement professionnelle, une vie pour tes enfants et ta famille, et une vie pour la fête et les amis.
J’ai retenu la boule qui me serrait la gorge, j’étais reléguée une fois de plus à la place ingrate au pied du podium, j’ai tenté à voix basse « une vie de couple ? »

Tu sembles vouloir me faire dire que je veux te quitter, mais ce n’est pas toi que je veux quitter, c’est cette vie absurde que nous nous faisons vivre.
Ce soir encore, je cède la place. Toujours ce même ami qui vient te voir. Je ne me sens pas le droit de m’interposer, je dis doucement que je m’en irai que je rentrerai « chez moi ».
Tard dans l’après midi tu suggères que je reste, mais mes arguments sont les mêmes que toujours : il ne sait pas que je suis là ce soir, tout comme il ne sait pas que je vis là chaque jours depuis bientôt cinq ans.
Je te repose toujours cette même question « à quel titre, si je reste ? » tu réponds « tu passais par là... » en résumé tu me donnes le choix entre « la pauvre fille qui n’a pas d’autres amis et qu’on invite au dernier moment à la fête » ou « la copine sans-gêne qui n’hésite pas à s’imposer dans une soirée privée », merci pour le cadeau, mon amour.
Je ne veux pas de polémique ce soir, alors je tranche « de toute façon, comment lui expliqueras-tu que je reste là jusqu’à point d’heure et que je referme la porte derrière lui après son départ ? »

J’ai fait le plein de ce qui m’était supportable, mon amour. Le plein d’absurdité au point d’en venir à croire que c’est une seconde nature. Je n’avais jamais rien subi de tel avant toi.
Cette fille que j’ai aimée des années en arrière, dont j’étais si follement amoureuse et qui m’avait trompée dans les bras d’une autre n’avait pourtant fait, à bien y réfléchir, que briser mon orgueil et froisser mon ego, le temps a passé, je me suis secouée et tout est redevenu lisse et net.
Et puis c’était bien fait pour moi après tout, j’avais probablement été trop absente, ou trop maladroite, et la prétendante était jolie, au moins dois-je lui reconnaître du goût. Au moins, lorsqu’elle m’a aimée, m’a-t-elle aimée tout à fait, m’imposant à sa famille comme une évidence, ses frères, sa mère, d’accord ou pas, en bloc, comme ça et pas autrement.

Mais la vie que je mène avec toi, mon amour, m’enferme chaque jour un peu plus. Me brise lentement, os après os, dans cette valse-hésitation des espoirs sans cesse dénoncés. Je m’accroche à des règles de vie à des devoirs que je m’invente, à des projets que je m’imagine et pourtant, chaque jour un peu plus, je perds le sens de tout. Je perds le goût imperceptiblement, je ne sais plus voir la réalité comme elle est décevante, je n’entends plus les arguments du simple bonheur de prendre le meilleur de la vie tant qu’on la tient.

Si seulement c’était juste l’ennui, mais je dois me rendre à l’évidence, j’ai face à moi une force contre laquelle même mes colères ne pourront rien : l’inertie.

Je le sens bien, je me saborde, faut-il que je me déteste à ce point.

Pourquoi m’avoir fait venir dans ta vie, mon amour ? pourquoi m’avoir laissé goûter à ces bonheurs multiples, m’avoir demandé de prendre ma place, si difficile à tenir au milieu de vous tous ? pourquoi m’avoir confrontée à ta vie de mère quand je ne voulais pas d’enfants pour moi-même, à cause de ces modèles que je craignais de reproduire. J’ai forcé ma nature pour toi, je croyais que tu voulais m’apprivoiser (je devrais changer mes lectures), j’ai fait ce qui était pour ma vie des efforts surhumains, j’ai tenté de dépasser mes peurs, mes angoisses, pour que tu m’aimes autant qu’il est possible. J’ai pris la place malcommode et ingrate de la marâtre pour rétablir un semblant d’équilibre dans ta vie qui partait à la dérive, j’ai accepté ce mauvais rôle pour que le respect de tes enfants te revienne, pour qu’ils te voient encore comme une mère digne alors que tu sombrais. Je me suis même faite le gendarme de ta vie, j’ai distillé mes colères et mes encouragements pour que tu prennes conscience de ce que l’alcool faisait de toi et d’eux, par contre-coup, je les ai aimé pour de vrai, même rudement, même trop distante parfois pour ne pas aiguiser ta susceptibilité de mère. J’ai encaissé tes délires, tes nuits d’ivresse à hurler et frapper dans les murs, à claquer les portes, tes insultes, mes affaires jetées en vrac sur le palier, sous le regard de tes fils. Plusieurs fois.

Bien sûr, je savais ce que j’apportais avec moi, une enfance brisée, une vie en marge qui demande plus de courage que toute autre, une vie dans les replis de laquelle on ne peut pas se cacher. Une vie sans modèle qu’on n’achète pas en kit à la mairie du coin, mais qu’il faut inventer, construire et monter soi-même et sur laquelle personne ne veut prendre les paris.

J’aurai tout essayé pour te comprendre, mon amour, tout essayé pour te garder, suivre tes délires pour t’apprendre de l’intérieur, m’interposer pour te faire réagir, et même le chantage, tout pour te garder ; aujourd’hui c’est toi qui ne me garde pas, tu sens que je m’éloigne, mais tu ne me vois pas, tu as gagné en confiance, en respect de toi-même, tu t’es rebellée, enfin, contre cette culpabilité chronique de tout. Tu as même modéré ton goût pour l’alcool, il aura fallu lutter longtemps pour ça, je dois te reconnaître cette victoire, même si tu n’es pas encore au bout du chemin.

Aujourd’hui, tu trouves que je suis égoïste. C’est simple : j’ai mal.
Je sais qui tu es derrière ce masque parce que je t’ai reconnue, parce qu’il y a longtemps tu m’as choisie. Je sais la femme que tu es et les espoirs que tu portes. Mais c’est avec ta carapace que je vis. Je méprise tous tes amis qui t’ont vue te détruire lentement et qui n’ont pas eu le courage de t’affronter pour te le dire. Tout est si confortable, il suffit de tourner la tête et les problèmes n’existent plus. Il suffit de faire pareil pour toute chose de la vie et voilà où nous en sommes. Un monde d’amis très respectables.

Je suis en bas des marches, je regarde les vainqueurs sur le podium, le travail, la famille, les amis.
Tu gardes pour moi ta jalousie absurde, ton baiser rituel sur le pas de la porte quand je pars au bureau le matin et une desperados pour moi, dans ton réfrigérateur.

Nous vivons quelques fois dans la maison de nos ennemis.

vendredi, janvier 06, 2006

Borsalino ou la théorie du mâle en déclin

Je me suis fait offrir un Borsalino, c'était un rêve d'enfant, rien de bien notable jusque là, sauf que, l'exhibant en ville- on cherche la reconnaissance comme on peut - je me suis trouvée confrontée à deux choses:
- les regards insistants de certains , du genre "non, mais, t'as vu ça ?" on sent même que quelque chose réfléchit derrière ce regard là, ( franchement: c'est troublant ) , au départ j'ai trouvé ça plutôt amusant, puis, tout de même un peu casse-pieds, et pour finir franchement inquisiteur au point d'interpeler le curieux d'un "Vous voulez connaître la marque de mon chapeau ou celle de mon rasoir ?".
- le constat, impossible de faire autrement, vraiment, que le chapeau dans la ville, même par ces temps froids reste la marque très nette du mâle vieillissant; si vous ne me croyez pas, regardez-vous même. La cinquantaine bien tapée, charnu, une aura de réussite professionnelle, le Borsa porté droit sur le front, parallèle à l'axe des yeux et à la ligne bleue des Vosges, campé.

Et la révélation me vînt: c'est précisément le deuxième principe qui met en branle le premier.
Comment pourrais-je être assimilée à un mâle vieillissant alors même que depuis que je porte le chapeau on ne m'a jamais autant appelé Madame!

mardi, janvier 03, 2006

à fond
















Entre Hutu et Tutsi, déchirés par les massacres au Rwanda, les Tambours du Burundi vont, de village en village porter le message de la réconciliation par le retour à un langage commun, la musique, et proposent comme modèle une valeur commune, le dépassement de soi pour l'harmonie de tous.

dimanche, janvier 01, 2006

1er de l'an,

il pleut
rester zen...