samedi, septembre 23, 2006

nocturne

4H du matin, c'est probablement une bonne heure pour réfléchir, puisque je me réveille systématiquement à cette heure là. Profiter du silence, comme si ce silence était précieux. 4h du mat, les images du "chat noir" reviennent en foule, et toujours la même question: comment ai-je pu ? me laisser à ce point pièger, me précipiter dans le gouffre, me laisser croire?

curieuse attraction malsaine que peut exercer une seule personne, pour ne donner rien en retour, jamais.

sentiment d'un profond ridicule, aussi ridicule qu'un animal devant un mirroir pour la première fois, qui inconscient de la situation véritable s'obstine à prêter vie, et intentions à ce qui n'est qu'une image de soi renvoyée, froide, superficielle, sans existence.

j'étais tombée dans ce piège là, certaines personnes ont ce dangereux pouvoir: vous attirent un jour dans leur cercle pour assouvir un besoin qui leur est propre, combler un manque soudain, briser temporairement leur solitude, mais sans avoir besoin de vous... elles se détachent aussi facilement

vendredi, septembre 08, 2006

à l'attention de la DRH

Comme vous le savez, je n'ai ni enfants, ni vieux parents, ni mariage en perspective.
j'ai donc, a priori peu d'arguments pour vous réclamer une pause dans le cours monotone de ma vie en entreprise.
Cependant, j'attire votre attention sur le fait que je suis une ressource humaine moi aussi, et c'est forte de cette conviction que j'ose me camper devant votre bureau aujourd'hui pour réclamer le congé sentimental auquel j'estime avoir droit.

je n'ai donc, vous vous en souvenez, ni poupon à langer, ni père ni mère sur qui veiller, ni voyage de noces à organiser. Cependant, et vous l'aviez peut-être oublié, j'ai une vie à moi, une vie privée de ces respirations qui permettent à tous (les autres) de se consacrer l'esprit libre aux grands moments de leur existence.

je ne demande pas l'impossible pourtant, qu'on me laisse de temps en temps être autre chose qu'une bête de somme vouée à simplement survivre.

Veuillez agréer, Monsieur, Madame la DRH, l'expression de mes sentiments.

lundi, septembre 04, 2006

les rugissants

j'ai rêvé jusqu'à ton souffle
j'ai rêvé jusqu'à ta voix
j'ai rêvé jusqu'à l'eau glissant
entre chacun de tes doigts

tu es cette main, cet accent
cette façon familière de dire

fenêtre ouverte, je tends
l'oreille aux flots battant
me rugissant que tu arrive

ma vie à t'attendre

ne passons pas des années sans nous rire
sans mourrir nos pensées aux ressacs
sans couler nos doigts aux sables fins du temps
sans goûter au vent de l'aveu

viens, tendre
ma vie entière à t'attendre
si tu veux, si tu peux accepter
d'entendre
tout ce que je ne serai jamais

même pour toi

je ne suis que ce bois flotté
arrondi aux angles, adouci
porté, balloté, jeté sur la grève
au milieu des galets
mais qui garde en lui, au secret
la fierté du navire.

tu seras mon rêve de voyage
le dernier.
ce que de moi
la mer aura sculpté
tu l'achèveras de tes mains
et je reprendrai vie enfin
sous tes yeux étonnés.

l'étoile de mer

la vague qui me vient des hauts fonds
la vague et tout le tremblement
celle qui chahute
celle qui soulève
celle qui m'inspire et rejette à l'amer

butte aux côtes escarpées
glisse aux rochers humides
imprime à mon corps
des pensées de naufrage

n'arriver jamais
toujours toujours voyager
ne voir qu'en rêve
les paysages qui t'entourent
mais garder comme repère
comme étoile de mer
ton regard lourd

la barque roule encore un peu
me berce
dans un lit défait d'algues

la sirène corne au port
où la Marie Galante est venue s'amarrer

de l'ïle au vent

derrière les orgues de glaces
à travers la chanson du vent
frappé aux fronton des Basques
renvoyé à l'unisson
ton chant s'élèvera

au bout des rues désertées
à portée de phare
ton reflet brillera sur l'eau
je le contemplerai, solitaire
grandissant

ton canot fier sur l'océan
démonté
je lui inventerai des passes
des canaux, des courants
qui te pousseraient vers moi

tendre et rude
me venant du lointain
du levant
de l'ile au vent
tu accosteras
juste sous ma fenêtre
et tu t'endormiras peut-être
d'avoir rêvé si longtemps

canot à la mer

je mettrai un canot à la mer
je gonflerai mes voiles pour toi
je jetterai toutes mes bouteilles
que l'océan ramènera

derrière le verre
tu m'apparaîtras
mais comment t'extraire
de cette prison translucide
où tu t'es jetée ?

j'aurai des rêves
des naufrages
j'aurai des tempêtes à tout balancer
à la baille
même moi

derrière le carreau
un regard qui me croise
c'est décidé, ce sera toi
ma pensée du jour
mon rêve fou
ma tendre

les yeux clos

ouvre les yeux, ne tremble pas
la mer que tu regardes,
je la vois
le ciel qui te domine
me transporte
le jour qui te quitte m'arrive enfin
les yeux clos
j'attends ton retour du lointain

...

je veux me fondre et me confondre
je veux ce rêve échappé de tes mots
mêlé à tes eaux douces et au sel de ta peau
je veux que tu devines encore
qui je cache au fond de mes drames.

la misaine

j'ai fait puis j'ai défait les bouts
qui m'attachaient à la dérive
j'ai croisé au large, désaccordée

j'ai abordé
j'ai débordé de larmes
au grand jour
j'ai hurlé à la hune
toutes mes nuits

j'ai cherché partout ton secours
à l'horizon circulaire
ne sachant d'où tu me viendrais

maintenant
que j'ai glissé à la misaine
maintenant
que je ne t'attends plus
j'ai pu enfin fermer les yeux
et tu m'es apparue

je peux te rêver sans limites
je peux t'entendre à l'horizon
je peux enfin quitter le bord
et j'irai au ponton
guetter le parfum que tu portes
avec toi, dans tes flots.

la marge

j'ai fait le long chemin jusqu'au rivage
te chercher
et j'attends sur la marge entre la terre et l'eau
je veux que tu m'arrive entière
et lavée par les vents
maîtresse à bord

tu me raconteras tes eaux sombres et froides
et les flammes du soleil couchant
tu diras tout sans rien omettre

je t'offrirai mon silence
pareil
à la mer immense
tu parleras tant et tant
que la tête me tournera
tu parleras comme tu t'es tu
si longtemps

tu reprendras l'habitude de tes pas sur le sable
je reprendrai la certitude de tes jours à mes côtés
nous nous habituerons l'une à l'autre
il n'en faudra pas plus.

entre deux mers

tout bouge, tout chavire,
tout bascule
autour de moi
rien n'est certain
j'apprivoise ma nuit,
je guette tes matins
je vis au rythme des marées

j'espère
quand la mer sur la plage
vient s'allonger
que tu seras enfin du voyage
et j'assiste impuissante
résignée
à sa fuite

entre deux mers
me reste quelques heures
pour te construire
un havre
où je reviens obstinée
à chaque rendez-vous

pour attendre d'aimer
en aimant
de t'attendre

par le hublot

par le hublot le ciel est rond
l'océan est immense
je n'ai que mes pensées de toi
pour compagnie

au loin, à terre,
combien de solitaires
couchent leurs rêves
et referment leurs lits

il me faudra pourtant
rentrer au port
et suivre des chemins tracés
à travers des pays arides

mais si tu portais avec toi
mon rêve
si tu gardais aux yeux
la lueur de ceux
qui jamais n'arrivent
nulle part
vraiment

la terre autour de nous
deviendrait océan
où nous voyagerions ensemble
peut-être

noir et blanc

"Avant toi j'ignorais la morsure du vent..."
Elle pousse le crayon sur la page, y brode avec application des mots, des phrases.
je laisse faire.
je cueille les poils du chat sur mon pull. Un chat blanc, un pull sombre.Il faut bien s'occuper après tout.

Je lorgne la photo noir et blanc sur le mur. Une photo d'elle, son enfant dans les bras; elle est radieuse, quel âge avait-elle? vingt cinq, vingt huit ans? guère plus que ça.
Ce regard, sur cette photo me bouleverse. si seulement une seule fois dans ma vie je pouvais avoir fait quelque chose qui inspire à une femme ce regard là.
Je la regarde à ne plus m'en détacher. Je me dis qu'elle était belle, si belle, à cet instant précis, et que nous n'aurions jamais pu nous connaître.
Quand elle a eu trente ans, j'en ai eu quinze à peine; elle pouponnait, je boutonnais...
Nous n'avions rien en commun, vraiment. Ni nos vies, ni nos envies.


Des mots, des messages, des pensées, des phrases; tout ce que nous mettions derrière, elle comme moi. Un écran, un clavier, un rêve qui s'est construit pas à pas. L'envie qui est venue plus pressante d'autres mots encore.
Et je me suis trouvée devant sa porte, à des kilomètres de chez moi.

Elle pousse le crayon sur la page. le chat rôde, me nargue, frotte d'un coup de dos rond contre la jambe de mon pantalon... noir. Puis s'en va jeter sur le lit son offrande de poils, mais je m'en fous, je dors nue.

J'ai lu tant de questions dans son regard quand elle a ouvert ses draps pour la première nuit. Qui la plus curieuse des deux de savoir que l'on peut aimer, désirer, vouloir après soixante ans? Après quelques années de silence et de face à face avec soi-même en s'accrochant au souvenir d'avoir séduit.

Quel contraste étrange: ses yeux sur moi qui interrogent et ses mains sûres.
Elle s'offre avec enthousiasme et pourtant elle fuit quand je la regarde avec trop d'insistance. De quoi avons nous peur l'une et l'autre? De vieillir? De mourrir loin des passions qui ont coulé dans nos veines, d'oublier...

... Le reste du temps, elle écrit, elle fait courrir sur la page le crayon, elle brode avec application des mots, des phrases.
"... avant toi, j'ignorais la caresse du temps."

I can't get no

"Tu n'es pas ce que je cherche."
Elle m'a balancé ça par dessus sa tranche d'ananas avant de l'engloutir.
Ma première rupture basses-calories.

J'avais le choix entre lui assèner une réplique cinglante et faire monter les enchères jusqu'à la dispute ou ne pas piper mot comme si ses paroles n'avaient pas traversé le brouillard mal dissipé de mon réveil.
J'ai plongé dans mon bol de café déjà tiède, coudes plantés sur la table.

Et qu'est-ce qu'on est sensée chercher chez une fille draguée au hasard dans une boîte de nuit? Chez une inconnue à peine révélée par la lumière des spots et ramenée chez soi un peu en remorque, flottant dans les dernières vapeurs de l'alcool et la lueur douteuse du jour qui se lèvera bientôt.

Rien.

Un enchaînement de circonstances pour se distraire un peu, un semblant de compagnie, un peu moins prévisible, et encore, que la solitude elle-même.

Du classique.

Une fille qui s'engouffre chez toi à ta suite juste désireuse d'affaler son long corps sur un matelas, pourquoi pas le tien plutôt qu'un autre. Se mettre à l'aise, virer pompes et blouson.
Un ultime sursaut d'intérêt quand vous sous trouvez nues côte à côte, et le réflexe, presque l'instinct, de toucher la peau, les hanches, les seins, de l'attirer à toi. Une vague fièvre qui vous vient entre les cuisses, à la nuque, dans les reins, chacune dans son rêve, racontant au corps de l'autre ses propres désirs.
Deux monologues de la chair, aboutissant par pure coïncidence à un plaisir synchrone, parce qu'issu d'une même fatigue.
Pas de victoire, pas d'émerveillement. juste la satisfaction d'être allée jusqu'au bout de la course pour soi-même.

Et puis les corps se réveillent au début de l'après-midi, déjà étrangers, et cette bouche face à moi qui veut me parler dans mon demi-sommeil:
"...tu n'es pas ce que je cherche.
- et alors? qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ?"

La porte du couloir s'est à peine refermé sur elle et le blouson qu'elle a jeté négligemment sur son épaule, que l'impact du sucrier sur la clenche fait un bruit mat. Il neige des cristaux blancs sur le carrelage de la cuisine.

Je ne mets pas de sucre dans le café de toute façon.



I can't get no satisfaction, but I try, but I try, but I try.....

Trente plages

je sais où elle est, et je sais avec qui.
je suis dans notre chambre et je garde le lit, en chien fidèle.
je sais ses rires et ses sourires, et cette fièvre d'enfant qui joue.
je sais les regards qu'elles se lancent.
je garde la chambre toute la nuit.

j'ai trente ans, je ne suis plus assez drôle pour elle.
quand je lui parle de demain, elle rit
elle a des rêves de fillette dans son corps de femme
elle veut qu'on l'aime obstinément, elle ne veut pas qu'on l'abandonne.
et je l'aime, mieux que l' autre ne saura le faire, avec sa démarche souple de vingt cinq ans, avec ses vacances au soleil, avec sa légèreté de celle qui ne veut rien, mais qui ramasse tout ce qui vient.

trente pages, c'est long à écrire, il me faudra bien toute la nuit, entre les larmes, la rage, la jalousie, quelques plages de répit... trente plages.

elles ont dû rire ensemble dans ce café enfumé, aller manger quelque chose, quelque part, les yeux dans les yeux.
aux premières lueurs du jour, je ne suis plus moi-même: où est-elle maintenant?
ce tiraillement, je veux lui donner le nom d'inquiétude, ça sonne bien, se faire du souci pour quelqu'un...
j'écris encore, pour ne pas tomber, pour qu'elle ne me surprenne pas dans mon sommeil quand elle rentrera. jusqu'à tomber, j'écris... trente plages de dépit.
j'ai trente ans, j'ai passé la barrière. je ne la fait plus rire comme avant.

dimanche, septembre 03, 2006

round

le coeur au vert. le corps fermé.
tout a été fait, bouclé, le retour du bâton, maintenant, bataille à qui quittera l'autre, ne sera pas abandonnée.
deux êtres que rien ne ressemble, bataillent pour se trouver, ensemble.
sans vainqueur, ni récompense, sans plaisir dans la lutte, à contre-coeur.
d'exister en se frottant à l'autre jusqu'à la blessure, déchire, broie, arrache la gangue.
quelle heure est-il quand le gong marque la fin du round?

le corps se hérisse et appelle, l'esprit s'embrume, s'enfuit.
d'aimer encore une seule fois il crêve ou implose.
de même force, égale, les volontés s'affrontent, se font face, la main dans le gant caresse, mais la chair s'écrase sous le cuir durci. les coups bas pleuvent.
le coeur supplie, pardonne, espère encore un peu, se rend.

quelle heure sera-t-il quand le gong marquera la fin du round ?